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Textes | Douguine | Nous ou rien | 1998
    28 ñåíòÿáðÿ 2002, 22:33
 
Archivio de EURASIA a cura di Martino Conserva original text

Alexandre Dugin

NOUS  –  OU  RIEN


Il est possible de considérer le bolchevisme comme un phénomène historique en deux parties. D’un coté, le champ doctrinal des diverses visions et théories socialistes et communistes pré-marxistes qui existaient en parallèle et qui continuèrent à exister en tant que motifs intellectuels après la transformation du marxisme en idéologie finale. Le premier stade pourrait être appelé le « projet du bolchevisme ». Le second stade est l’incarnation de ce projet dans la réalité historique concrète sous la forme de la social-démocratie russe, plus tard du parti communiste et, au stade final, de l’histoire de l’Etat soviétique et du parti dominant. La première partie est indiscutablement plus grande que la seconde et, comme n’importe quel plan, prime sur la seconde. Mais on ne peut pas comprendre l’une sans l’autre. La réalisation n’a pas de sens, si on ne connaît pas le plan, et un plan sans réalisation est une simple abstraction, et ses possibles réalisations peuvent être meilleures ou pires selon les circonstances.
Le national-socialisme et le fascisme présentent un scénario similaire. D’un coté nous avons un dogme théorique, une philosophie, des vues économiques et historiques, tous réunis par un point de vue commun (le « projet fasciste ») – de l’autre coté, la pratique des partis historiques (nazi et fasciste), ainsi que l’organisme d’Etat de l’Italie de Mussolini et de l’Allemagne de Hitler. Cependant, il y a une différence fondamentale : le « projet fasciste » de l’Allemagne et de l’Italie était beaucoup plus éloigné de son incarnation que le « projet bolchevik » ne l’était de la réalité soviétique.

Il est bien connu que les partis et les régimes historiques bolcheviks et fascistes s’opposèrent, 
et cela finit par des luttes sanglantes, dont la plus grande fut la Seconde Guerre Mondiale, également connue sous le nom de Grande Guerre Patriotique. Mais cette hostilité ne fut jamais absolue et il y eut quelques exemples où le fascisme et le bolchevisme se rejoignirent, même à un niveau externe, purement politique : l’Etat soviétique reconnut de bonne grâce l’ordre fasciste en Italie ; les nationalistes allemands se rallièrent à « l’Appel pour Schlageter » [nationaliste allemand, fusillé pour sabotage en 1923 lors de l’occupation de 
la Ruhr par les troupes françaises], annoncé par K. Radek ; finalement, le pacte Molotov-Ribbentrop.

Cependant ces deux projets ont beaucoup plus en commun. Si nous voyons le bolchevisme comme une idéologie qui inclut le marxisme, mais qui traverse ses frontières (c’est ce qu’il fut – après tout, l’idée de Lénine de « construire le communisme dans un seul Etat » est opposée à Marx), et si nous appliquons la même méthode au fascisme et au nazisme (en nous intéressant particulièrement aux idéologues qui établirent les bases du pouvoir nazi, mais qui restèrent dans l’opposition au régime, qu’ils regardaient comme une caricature de leurs propres idées), nous sommes obligés de noter que les deux projets ont beaucoup en commun. En fait, ils ont tellement en commun que théoriquement il serait possible de suggérer l’existence d’une méta-idéologie qui serait commune aux deux projets.

Cette méta-idéologie unique ne se trouve pas seulement au-delà de la concrétisation politique du bolchevisme et du fascisme, mais aussi au-delà de leurs idéologies politiques, est le national-bolchevisme dans son essence absolue. Cette méta-idéologie n’a jamais été reconnue auparavant par quiconque dans sa totalité. Seuls les esprits les plus profonds des deux camps ont intuitivement deviné qu’elle existait, essayant d’exprimer cette vision, même sous une forme nébuleuse. 

Le national-bolchevisme ne s’identifie pas avec les méthodes pragmatiques des bolcheviks et des nationalistes européens, conditionnés par la Realpolitik. Il ne s’identifie pas non plus avec les aspects communs des deux « projets ». Il est quelque chose de plus profond, qui ne pouvait devenir visible qu’après la chute de l’incarnation historique de l’une de ces idéologies – l’Union Soviétique (l’incarnation réelle du projet fasciste disparut il y a 50 ans).

Voici les éléments de base de cette méta-idéologie :
 

  • La conscience eschatologique, la claire compréhension du fait que la civilisation approche de sa fin. Cela nous conduit à l’idée de restauration eschatologique. Il y a aussi une tentative de réaliser cette Restauration de l’Age d’Or par des moyens politiques.
  • L’idée de l’inadéquation des institutions religieuses existantes avec les buts eschatologiques : l’anti-radicalisme, les réincarnations, et le pharisaïsme cachés des religions occidentales traditionnelles. L’esprit de réforme ou « nouvelle spiritualité » (mysticisme, gnosticisme, paganisme).
  • La haine du monde moderne, de la civilisation occidentale, avec ses racines dans l’esprit des Lumières. L’identification du capitalisme impérialiste cosmopolite avec le Mal global extrême. Le pathos anti-bourgeois.
  • L’intérêt pour l’Orient et l’antipathie pour l’Occident. L’orientation géopolitique vers l’Eurasie.
  • L’ascétisme spartiate (prussien). Le pathos pour le Travail et le Travailleur. L’idée de base de l’origine spirituelle primale parmi le peuple, dans ses couches les plus profondes qui ont été préservées de la dépravation des derniers siècles, en comparaison avec l’élite dégénérée des anciens régimes. Le principe de la « nouvelle aristocratie », jaillissant des masses populaires.
  • La compréhension du peuple et de la société comme étant un collectif fraternel organique, basé sur la solidarité morale et spirituelle. Le rejet radical de l’individualisme, du consumérisme et de l’exploitation. La tentative de conduire tous les peuples vers « l’Age d’Or ».
  • L’antipathie pour les traditions culturelles, religieuses et économiques d’origine sémitique (judaïsme, islam), leur opposant les traditions indo-européennes, dans lesquelles la classe sociale des « marchands » (ainsi que sa mentalité) n’existe pas en tant que telle.
  • La capacité à se sacrifier pour un idéal et pour ce qui en est digne. La haine pour la médiocrité et pour l’esprit petit-bourgeois. Fort esprit révolutionnaire.
Tous les éléments énumérés ci-dessus peuvent être trouvés dans tout dogme concret (fasciste ou bolchevik). Ils peuvent varier selon l’idéologie ou l’auteur, et peuvent même être unis à d’autres idées qui peuvent contredire d’autres points.

Les nationaux-bolcheviks historiques (Niekisch, Ustryalov, Thiriart) se sont intuitivement rapprochés de ce complexe, mais même ainsi ils ont hésité sur la voie à suivre : Niekisch vit un sens positif dans la technologie et le progrès, Ustryalov flirta avec la NEP et n’eut pas conscience de l’importance de l’Allemagne pour la Russie, Thiriart rejeta l’ésotérisme et la religion, restant un pragmatique matérialiste.

Le national-bolchevisme est de loin le phénomène le plus intéressant du 20ème siècle. Il a adopté tout ce qui nous fascine dans le bolchevisme ou le fascisme. Tout ce qui a conduit ces idéologies à leur fin, contredit l’esprit de cette doctrine virtuelle. 

Le national-bolchevisme nous aide à comprendre en quoi les régimes anti-libéraux de notre siècle se sont trompés et pourquoi ils étaient condamnés à échouer. Cette analyse est loyale envers le passé et montre, en ce qui concerne notre époque, que la « nouvelle » droite et la « nouvelle » gauche ne sont que des parodies de ce qui était, même en son temps, de simples  parodies du national-bolchevisme virtuel.

L’idéologie national-bolchevique est exempte de tous les crimes du passé. Les nationaux-bolcheviks historiques blâmèrent les nazis et les communistes pour avoir perverti leurs théories, et devinrent ainsi les victimes du Moloch totalitaire. Comme la doctrine prend forme seulement maintenant, même cet argument ne peut pas être le plus décisif.

Le national-bolchevisme est ce qui n’a jamais été. Il n’a jamais été mis en pratique, ni même en théorie. Le national-bolchevisme est ce qui est à venir. A venir, puisque cette doctrine sera un sanctuaire métaphysique et idéologique pour ceux qui rejettent le monde moderne, le système du capitalisme libéral qui est devenu la seule base de la société moderne. La lutte durera toujours. Les vieilles idéologies anti-bourgeoises ont montré leurs limites. Les erreurs théoriques ont tôt ou tard entraîné un échec historique. Celui qui ne comprend pas cela, n’a pas de place dans l’Histoire.

La seule alternative au monde moderne, à cet empire de l’Antéchrist « libéral », est le national-bolchevisme.

Ou lui – ou rien. Aucun compromis ne changera quoi que ce soit. Si le Système a survécu au fier Reich et à la Grande Union Soviétique (ayant détruit les monarchies et les empires traditionnels avant ces deux-là), il fera face sans aucun problème à des partis politiques et à des extrémistes armés.

L’important est que le national-bolchevisme a sa propre ligne spirituelle, parlant de ce qui serait encore prématuré. C’est un secret alternatif qui se dressera contre l’arrivée du « secret de l’illégalité » pendant les derniers temps. Sans cette force, les expériences bolchevik et fasciste étaient sans force. C’est seulement après une certaine distorsion par les instruments de la politique que cette force a quitté les mouvements susmentionnés, les abandonnant à leur sort face au « Maître de l’Univers », clairement partisan d’une société libérale. Il y a des signes montrant que cette force a récemment pris une nouvelle (et finale) forme qui s’élèvera jusqu’à sa nature.

Je pense que certains peuvent déjà deviner de quoi je parle.
 
   « Elementy » N° 8, Editorial. Mis à jour 20 septembre 1998.
Traduit par Henry Zalkin
Version française par Franz Destrebecq