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original text
Alexandre Douguin
LA
METAPHYSIQUE DU NATIONAL-BOLCHEVISME
1. Les ennemis de la société ouverte
Pour comprendre la cohérence philosophique de l’idéologie
national-bolchevique qui exerce de plus en plus d’influence sur la jeunesse
contestataire et non-conformiste en Europe et surtout en Europe de l’Est
et en Russie, il faut absolument lire le livre fondamental de Karl Popper
« La société ouverte et ses ennemis ». C’est
ce livre et non pas les écrits de Niekisch, Oustryalov ou Thiriart
qui aide le plus à dégager les traits essentiels de la théorie
« métaphysique » du courant en question.
Les intérêts
des théoriciens mêmes du national-bolchevisme historique se
situaient plutôt dans le domaine de la politique concrète,
et les doctrines purement philosophiques n’étaient pas suffisamment
élaborées par eux.
Popper a développé de son coté la typologie fondamentale
pour notre sujet. Selon lui, l’histoire de l’humanité et l’histoire
des idées se divisent en deux moitiés (inégales, d’ailleurs).
D’un coté, il y a les partisans de « la société
ouverte », qui représente pour lui la forme d’existence normale
des individus rationnels (tels sont pour lui tous les hommes) qui basent
leur comportement sur le calcul et la volonté personnelle supposée
libre. L’ensemble
de tels individus doit logiquement former la « société
ouverte » essentiellement « non-totalitaire », étant
donné qu’ici manque définitivement l’idée unificatrice
quelle qu’elle soit ou le système de valeurs à caractère
collectiviste, supra-individuel ou non-individuel. La « société
ouverte » est ouverte précisément par cette raison
qu’elle ignore toutes les « téléologies », tous
les « absolus », toutes les différences typologiques
établies, donc elle ignore toutes les limites qui relèvent
du domaine non-individuel et non-rationnel (supra-rationnel, a-rationnel
ou irrationnel, ce dernier terme étant plus fréquent chez
Popper).
De l’autre coté, il y a le camp idéologique des «
ennemis de la société ouverte » où Popper inclut
Héraclite, Platon, Aristote, les scolastiques, aussi que la philosophie
allemande de Schlegel, Fichte, mais surtout Hegel et Marx. Karl Popper
trace l’itinéraire de la pensée de ces « ennemis de
la société ouverte », montre l’unité essentielle
de leurs approches des problèmes principaux et dégage la
structure de leur Weltanschauung commune dont les traits caractéristiques
sont la négation de la valeur intrinsèque de l’individu,
d’où découle le mépris pour la rationalité
autonome et la tendance à la soumission de l’individu et de sa raison
aux valeurs « non-individuelles et non-rationnelles », ce qui
aboutit toujours et inévitablement selon Popper à l’apologie
de la dictature et du totalitarisme politiques. Popper arrive à
la conclusion que les « ennemis de la société ouverte
» dans le domaine philosophique ne sont que des cerveaux médiocres
achetés par les tyrans politiques et dont la célébrité
est due à la manipulation par les responsables des régimes
totalitaires.
Karl Popper dans son exposé met les points sur les « i
», montrant clairement l’unité métaphysique profonde
d’idéologies apparemment contraires -- par exemple, le communisme,
le fascisme, le racisme, le conservatisme centraliste. Toutes sont unies
par le rejet radical de la « société ouverte »
et des fondements anthropologiques et philosophiques sur lesquels celle-ci
se base. Pour Popper, le totalitarisme de Staline s’explique parfaitement
par la doctrine de Marx qui est venue directement de Hegel qui à
son tour était l’héritier d’Aristote, Platon et Héraclite,
les fondateurs idéologiques « du parti de la guerre »
éternel. La même voie est tracée pour la genèse
du fascisme européen -- les mêmes Héraclite, Platon,
Aristote et Hegel. De Hegel, la ligne magistrale passe non pas par Marx,
mais par des hégéliens de droite jusqu’à Stapel, Spengler,
Gentile et le raciste Rosenberg.
Evidemment, les communistes orthodoxes comme les représentants
de l’extrême-droite conventionnelle (fasciste ou pas) sont
toujours prêts à nier l’analyse de Popper en rejetant dédaigneusement
des rapprochements si scandaleux pour eux. Les marxistes considèrent
les hégéliens de droite comme des « ringards »
et des « récupérés » par les réactionnaires.
La droite rejette le marxisme comme un produit du « complot »
subversif.
Les nationaux-bolcheviques de leur coté acceptent absolument
et sans réserve la vision dualiste de Popper et sont totalement
d’accord avec sa classification. Mais en revanche ils se considèrent
eux-mêmes comme les ennemis convaincus, conscients et résolus
de la « société ouverte ». Toute la généalogie
de la pensée du « parti de la guerre », de Héraclite
à Hegel et de lui directement à Marx et à Spengler,
est l’héritage légitime des NB. Ils sont les néo-hégéliens
qui refusent en même temps la division entre hégéliens
de droite et de gauche. Ils rejettent d’une manière absolue la «
société ouverte » et ses fondements philosophiques
-- c’est-à-dire la primauté de l’individu, la valeur de la
pensée rationnelle, le libéralisme progressif social, la
démocratie égalitariste numérique atomique, la critique
libre, la Weltanschauung cartésienne / kantienne, bref toute la
séparation insurmontable entre le sujet et l’objet -- ce fondement
général philosophique de tous les humanistes et rationalistes.
Ils revendiquent en revanche tout le contraire. Contre l’idéalisme
subjectif (moral et irresponsable) et le matérialisme tout aussi
subjectif (positiviste dans la science, pratique dans
la vie quotidienne) qui sont les deux bases de la société
moderne laïque enracinée dans les Lumières et la Révolution
Française, les NB affirment l’idéalisme objectif (étatique,
national, révolutionnaire, communautaire) et le matérialisme
objectif (mobilisateur et réaliste), en refusant en même temps
de faire un choix entre ces derniers (surtout au niveau politique).
Le principe philosophique premier des NB est le refus de Kant. Leur
identité idéologique se définit par cette pierre d’achoppement.
Celui qui accepte la Weltanschauung cartésienne / kantienne, est
par ce fait même un « ami de la société ouverte
». Tous les autres sont ses ennemis. Mais pour le NB, la grande erreur
des droites et des gauches historiques consiste à tomber dans le
piège du sectarisme, où l’identité véritable
des ennemis de la société ouverte s’exprime sous une forme
aliénée et fracturée, dans une version sectaire qui
provoque toujours la « guerre civile fratricide » entre les
représentants des deux branches de la même Weltanschauung.
C’est à cause de cette ignorance, à cause de l’imperfection
de la conscience claire des racines profondes de leur propre pensée,
que les « ennemis de gauche » de la « société
ouverte » s’alliaient si souvent avec les défenseurs de cette
société, sous le prétexte superficiel du « front
commun contre la Droite ». La même remarque vaut pour «
les ennemis de droite » de la « société ouverte
» -- l’idéalisme subjectif de certains « conservateurs
» (toujours libéraux) les poussait à conclure des alliances
contre-nature avec ces derniers [les défenseurs de la « société
ouverte »], se coupant ainsi de leurs racines véritables.
2. Le Non-humain, l’Irrationel, le Destin
Popper montre d’une manière convaincante que toutes les formes
des doctrines idéologiques des « ennemis de la société
ouverte » ont pour axe l’idée de l’Irrationnel, ce qui équivaut
pour Popper au refus de considérer comme réalité primordiale
la Raison humaine critique et les conséquences humanistes de la
doctrine philosophique kantienne. L’Irrationnel est aussi l’Essence, le
But, le Destin. C'est quelque chose qui va contre la liberté de
chaque homme d’être un homme et rien d'autre. Pour Popper, cette
liberté concentre en elle-même toute la rationalité
et sert de base à la construction de la véritable société
ouverte où il n'y aura aucune autre mesure que l’Homme.
Si les marxistes ou les conservateurs, pour justifier leurs positions
idéologiques, insistent sur la rationalité et l’humanisme
de leurs idées, en essayant de réfuter les accusations des
libéraux positivistes comme Karl Popper, les NB cette fois encore
acceptent ses conclusions et reconnaissent volontiers l’orientation a-rationnelle
et même non-humaine de leur propre doctrine. Ici les ouvrages des
traditionalistes comme Julius Evola et René Guénon sont d’une
grande aide, parce que leurs études sur l’essence non-humaine et
supra-rationnelle de la Tradition dévoilent la véritable
structure du Sacré qui inspire finalement toutes les tendances contraires
à la « société ouverte ». Guénon
est le point final du développement historique de l’idéologie
anti-humaniste et anti-moderne qui inspira toujours les conservateurs (ou
plutôt les « révolutionnaires conservateurs »)
historiques à partir de Platon. On ne peut être plus à
droite que Guénon qui rejette toute l’époque moderne comme
une « déviation totale » et prévoit le bouleversement
eschatologique et la fin du monde pour toute l’humanité, qui en
construisant sa « société ouverte » n’a construit
en vérité rien d’autre que « l’Enfer terrestre ».
Ce que Popper voulait extirper des textes de Hegel pour démasquer
son anti-humanisme latent, Guénon et Evola l’écrivaient ouvertement
noir sur blanc. Tout est là : l’appel au facteur non-humain, le
rejet total de la valeur de la raison et de l’individu, l’affirmation de
l’inégalité naturelle des hommes, l’appel à la société
hiérarchique, la reconnaissance du Destin inévitable de la
civilisation et du cours prédestiné de l’Histoire, etc.
Il est intéressant dans ce contexte de mentionner le fait qu’Evola
a influencé dans une certaine mesure le fascisme italien et quelque
peu le national-socialisme allemand, tout en étant dans sa jeunesse
lui-même très influencé par Hegel dont les traces se
retrouvent facilement dans ses premiers livres philosophiques. Hégélien
était aussi Gentile, l’autre théoricien du fascisme. Mais
en suivant Guénon, Evola est allé plus loin que Gentile ou
les autres hégéliens de droite, et est arrivé aux
formulations extrêmes des maximes traditionalistes.
Quoiqu’il en soit, que les fascistes soient des ennemis de la société
ouverte est hors de doute, et le fait que leurs idées proviennent
de la philosophie non-humaniste -- classée (à juste titre)
par Popper « non-rationaliste » (Héraclite, Platon,
Hegel, Spengler etc.) -- est certain. Leur idéalisme est toujours
objectif -- chez eux « l’Atman coïncide toujours avec le Brahman
», et le moi individuel se dissout dans le Soi non-individuel sous
une forme ou une autre -- le mythe de la Nation, de l’Eglise, de l’Etat,
de la Race, de l’Empire, du Surhomme et de la Tradition. Le « Noumène
», le « Ding-an-sich », est pour les fascistes le facteur
concret et central de leur existence qui s’identifie avec l’essence nouménale
par le fait héroïque de l’accomplissement du Destin où
l’individuel se fond dans l’Absolu. L’opération de transformation
« théurgique » du « Ding-an-sich » en «
Ding-für-sich », qui représente pour Hegel l’essence
du passage de la raison discursive à l’Intellect dialectique, est
au centre de la « praxis » spécifiquement fasciste.
Cette idéalisme objectif et « extrémiste » écrase,
bien sûr, le « petit idéalisme » modéré
et subjectif des personnages de la « société ouverte
» de Popper, parce que la dynamique de la réalisation du Destin
par chacun fait apparaître les différences hiérarchiques
ce qui provoque à son tour la domination des forts sur les faibles
et des braves sur les timides, en limitant considérablement les
libertés individuelles et la portée des conclusions rationnelles
des « citoyens moyens ».
Le cas des communistes et des marxistes est un peu différent.
La version marxiste de la doctrine hégélienne propose une
forme d’idéalisme quelque peu particulier -- ayant pour axe la classe
prolétarienne et affirmant la Weltanschauung matérialiste.
Selon Popper il s'agit de la même tendance totalitaire, visible déjà
dans Héraclite et Platon, mais revêtue d’une nouvelle forme
conceptuelle: le Destin universel (donc l’essence) s’identifie au communisme,
la dialectique du processus historique s’exprime par les rapports productifs,
le sujet central de l’accomplissement du Destin est le Soi collectif de
la classe ouvrière, etc. En d’autres termes, la structure de la
doctrine non-humaniste reste la même, et derrière la différence
du langage
et la particularité des accents transparaissent les traits du
même ennemi de la société ouverte parce que le Soi
collectif de la classe n’est rien d’autre que la nouvelle version de la
caste dominante ou de la contre-élite (selon Pareto) arrivée
au pouvoir par la voie révolutionnaire et aussi parce que le «
matérialisme objectif » totalitaire et universel écrase
le « petit matérialisme subjectif » de l’homme moyen
(« l’homme humanitaire »), en l’obligeant à renoncer
à ses intérêts individuels au nom de l’intérêt
collectif, au nom du Destin, au nom de la Cause (irrationnelle pour Popper).
L’expérience de l’URSS montre que Popper avait absolument raison
en considérant la doctrine communiste comme une doctrine irrationnelle
et non-humaniste, parce que l’Etat soviétique était en réalité
une société totalitaire totalement privée des aspects
propres à la société ouverte. Cette ressemblance du
communisme marxiste avec le modèle conçu par le « parti
de la guerre méta-historique » (« la guerre -- selon
Héraclite -- est la mère de toutes choses ») n’est
pas due seulement à l’influence que Hegel a exercée sur le
jeune Marx. Si on regarde de plus près les doctrines des prédécesseurs
de Marx -- les socialistes utopistes (Saint-Simon, Fourrier, Leroux, Cabet
-- l’inventeur du terme « communisme » --, etc.), mais aussi
ses parents lointains Tomaso Campanella, Giordano Bruno, Thomas Moore etc.,
on voit que les motifs purement irrationalistes, pleins de réminiscences
platoniciennes et d’appels eschatologiques / téléologiques
sont abondants chez eux. Finalement le courant socialiste des origines
était un mouvement fortement spiritualiste et même occultiste,
et ce n’est pas par hasard qu’on retrouve chez les penseurs de l’école
socialiste des noms comme Eliphas Levi, Fabre d’Olivet, Saint-Yves d’Alveydre,
etc.
Les sources idéologiques communes des fascistes et des communistes
du XXè siècle ne se retrouvent pas seulement dans le cas
de Hegel. Georges Sorel, Theodor Reuss, Vilfredo Pareto, Proudhon, les
illuminés et les occultistes européens sont des noms qui
peuvent être revendiqués par les deux camps des « ennemis
de la société ouverte ». Ce n’est pas par hasard non
plus que le maître spirituel de René Guénon était
Ivan Agueli, le socialiste suédois, et que son initiateur maçonnique
était Theodor Reuss lui-même, occultiste, Franc-maçon,
agent des services secrets allemands et idéologue de l’anarchisme.
Finalement la nature véritable du communisme -- mystique, irrationnelle
et héroïque -- était mieux comprise par Popper que par
les autres esprits occidentaux qui étaient hypnotisés par
le langage pseudo-humaniste de certains marxistes et par leurs appels à
l’héritage de la Révolution Française et des Lumières
qui doivent être compris « dialectiquement » comme «
la négation de la négation ».
La nature de cette réalité non-humaine qui se trouve au
centre des doctrines des « ennemis de la société ouverte
» et qui pousse les hommes à réaliser leur Destin mystique
peut varier selon le cas. Parfois c’est la Nation, parfois l’Etat, parfois
l’Empire, parfois la Justice, parfois la Classe, parfois la Foi. Les différences
dans ce camp-là peuvent être très grandes. Mais le
fait reste qu’elles sont en même temps nulles par rapport à
la Grande Différence qui sépare les ennemis de la société
ouverte en général de ses défenseurs. On peut affirmer
que on est présent ici devant deux formes de la différence.
D’un coté les « idéovariations », et de l’autre
coté les « mixovariations ». Les doctrines des ennemis
de la société ouverte sont homogènes sur le fond et
proviennent toutes d’une seule et même source, tout en étant
extrêmement différentes entre elles. Les doctrines des défenseurs
de la « société ouverte », quelles qu’elles soient,
restent pour eux toujours profondément étrangères.
Et cette dernière considération explique pourquoi il y a
des querelles si brutales et si puissantes au sein d’une même famille
politique -- gauche ou droite. Sous les dénominations de «
Gauche » et de « Droite » se cachent invariablement deux
réalités idéologiques hétérogènes
et irréconciliables -- celle provenant des « amis de la société
ouverte » (à gauche ce sont les sociaux-démocrates,
les démocrates-chrétiens, les « progressistes »,
les réformistes, etc. ; à droite ce sont les conservateurs
classiques, les libéraux, les républicains, etc.) et celle
provenant de ses ennemis (à gauche ce sont les anarchistes, les
communistes et l’extrême gauche; à droite -- les fascistes,
une certaine « extrême droite » traditionaliste, etc.)
Cela, Popper le comprend parfaitement quand il cite pour soutenir sa
thèse la critique de Hegel par Schopenhauer qui, tout en étant
à droite politiquement peut quand même être inscrit
dans le camp des défenseurs de la société ouverte
tant son idéalisme est « subjectif » et en cela, «
humain ».
3. La métaphysique de la Nation
La Nation est certes une idée moderne et il suffit de renvoyer
le lecteur à ce propos aux њuvres de Julius Evola où cette
thèse est amplement développée. Mais en même
temps, la conception de la Nation possède en soi une certaine dimension
qu’Evola (et les traditionalistes qui le suivaient) a méconnue.
On peut dire que dans la Nation se sont conservées les dernières
traces de ce que Ferdinand Tönnies appelait la « Gemeinschaft
», c’est-à-dire la communauté organique par opposition
à la société atomique purement numérique et
profane. On peut affirmer que la Nation est la dernière forteresse
de la communauté devant l’expansion progressive de la société
(« Gesellschaft »). On peut regarder l’apparition des nations
historiques de la gauche comme la transition de l’ordre traditionnel féodal
et impérial à l’Etat bourgeois et profane. Mais en même
temps, vue de droite la Nation est la dernière limite qui sépare
la forme d’existence collective qualitative de celle purement quantitative,
dont la conception achevée est présente dans le modèle
de l’Etat Mondial et essentiellement supranational. La nation n’est pas
la communauté ethnique ou religieuse homogène et ne se fonde
pas sur le système des castes traditionnelles chères aux
traditionalistes radicaux et aux « ethnistes ». Mais elle n’est
pas non plus un conglomérat d’unités quantitatives qui se
rassemblent dans un espace artificiellement construit et privé de
toute direction intégrante -- de tout Destin sauf l’économie
fondée sur l’idéologie marchande et radicalement individualiste.
Aujourd'hui il est évident que l’Etat Mondial conçu comme
un Marché Mondial n’est pas une perspective lointaine ou chimérique
parce que cette doctrine libérale devient peu à peu l’idée
gouvernante de notre civilisation. Et cela présuppose la destruction
finale des nations comme étant des restes de l’époque passée,
comme le dernier obstacle à l’expansion irrésistible du mondialisme.
Mais la doctrine mondialiste est la forme parfaite et achevée du
modèle de la « société ouverte ». Pour
les ennemis de cette société, c’est une raison pour soutenir
tout ce qui va contre elle, en essayant parallèlement de ramener
la conception utilisée à un niveau plus élevé
et plus radical, vers les cimes vertigineuses de l’Irrationnel. La métaphysique
de la nation se fonde sur ce raisonnement.
Le nationalisme des NB est le nationalisme mystique qui affirme l’existence
d’un certain être non-individuel qui représente l’essence
du collectif national par delà les temps profanes. Herder écrivait
que « les peuples sont les pensées du Dieu ». La doctrine
chrétienne des sources judaïques affirme de son coté
que tous les peuples ont un Ange pour centre, qui les guide et qui les
illumine, dont les contours apparaissent dans le cours de l’histoire nationale.
Pour justifier l’identification du peuple avec la nation on doit faire
abstraction de la conception jacobine de l’Etat-Nation dont la structure
est beaucoup plus profane que l’idée du peuple. Donc au niveau métaphysique
il est légitime de considérer l’être de la nation comme
l’identité de son Ange qui fait partie de la hiérarchie des
pouvoirs célestes et ontologiques. De cela s’ensuit que la participation
à l’être de la nation pour chacun de ses membres équivaut
à son identification effective (partielle, ou complète dans
les cas extrêmes) avec sa réalité ontologique. En s’unissant
à son peuple l’homme devient la « pensée de Dieu »,
sort des conditions individuelles, passe à un nouveau degré
de l’existence.
L’Ange du peuple, étant supra-rationnel, n’est pas quelque chose
de vague, de confus, d’émotionnel. C’est la réalité
intellectuelle qui montre ses traits sous l’apparence du passé national,
en se reflétant dans les changements religieux, politiques, spatiaux
et culturels d’un et même collectif organique. Mais s’Il se montre
à travers tout cela, Il ne coïncide avec rien de tout cela.
L’être de la nation possède sa propre histoire supra-rationnelle
où cet être réalise ses aspects différents dans
des domaines sociaux différents, ne s’identifiant jamais avec aucun
institut religieux, politique ou culturel qui d’ailleurs proviennent de
cet être ou sont au moins profondément transformés
par lui. C’est pourquoi on peut « rationaliser » cet Ange,
obtenir une idée approximative de lui et non seulement sentir sa
présence dans l’ambiance nationale actuelle, passée ou historique,
mais essayer de le « saisir » intellectuellement.
Jusqu’à une certaine période la figure humaine et sociale
la plus proche de la nature de cet Etre national était « le
Roi », qui représentait la concentration ontologique de l’être
national dans l’apparence d’un homme qui était en même temps
plus qu’un homme. Cet aspect se traduisait par le sacre du Roi dans les
sociétés traditionnelles. Le Roi seul s’identifiait à
l’Ange de la Nation d’une manière personnelle et en quelque sorte
individuelle, le reste du peuple participait à la même réalité
par l’intermédiaire d’institutions différentes -- religieuses,
politiques, juridiques, etc. Or, même pour le citoyen moyen la possibilité
de participation directe à l’être de la Nation était
parfois ouverte dans les périodes critiques -- les héros
nationaux de guerre -- ou par les voies de l’ascèse personnelle
-- les saints nationaux. A partir d’un certain moment la structure sacrée
de la société a été abolie et l’identification
personnelle du Roi est devenu impossible. Mais ce fait n’a pas anéanti
l’être de la Nation, parce qu’il n’a pas détruit la nation
elle-même. C’est la forme de la participation et de la rationalisation
qui a changé. Et quand l’idée de la nation devenait puissante
et opérative, même dans les sociétés laïques
et non-monarchiques la figure symbolique du Personnage Central de la nation,
du Prince-Ange réapparaissait invariablement.
La métaphysique de la nation ne dépend pas des conditions
historiques de tel ou tel peuple. Elle reste toujours présente et
inchangeable. C’est sur cette idée que les NB construisent leurs
doctrines idéologiques, par contraste avec les traditionalistes
« académiques » ou « pessimistes ». La Révolution
nationale reste toujours possible jusqu’à la mort définitive
de la nation, jusqu’à l’anéantissement total du peuple. Et
le fondement de cette Révolution est la possibilité (théoriquement
toujours ouverte) de réaliser la nature ontologique de la nation
dans l’avant-garde nationale -- spirituelle, politique, idéologique.
Il ne s’agit pas d’efforts purement humains, il s’agit de la « résurrection
de l’Ange », du réveil de la force supra-humaine qui dort
à l’intérieur des peuples. C’est le réveil théurgique
des puissances « d’en haut » par les puissances « d’en
bas ». C’est la raison pour laquelle des milieux ésotériques
se trouvent invariablement au centre des mouvements nationalistes. Il suffit
de rappeler le groupe UR d’Evola lui-même ou les loges aryosophistes
dans l’Allemagne pré-nationale-socialiste.
La Révolution Nationale présuppose la réalisation
de « l’angélomorphose » virtuelle dont le porteur est
chaque homme en tant que membre de la communauté organique. Donc
on peut parler ici de véritable métaphysique, autant au niveau
collectif qu’au niveau de la réalisation individuelle.
4. La métaphysique du bolchevisme
Si la Nation est une idée seulement « moderne »,
l’idée du bolchevisme doit être perçue comme essentiellement
anti-traditionnelle. C’était d'ailleurs l’avis de la majorité
des traditionalistes. Mais malgré tout l’opposition claire de la
doctrine communiste par rapport à la société ouverte
et l’irréductibilité historique du communisme soviétique
au capitalisme (l’échec reconnu des partisans de la théorie
de convergence) nous oblige à faire une révision sévère
de cette attitude anticommuniste classique propre aux auteurs anti-modernes
et anti-humanistes.
L’explication la plus simple de l’utilisation du terme « bolchevisme
» dans l’appellation NB évoque l’influence concrète
du nationalisme russe exercée sur les idées marxistes au
cours de la Révolution d’Octobre. Grâce aux études
d’Agursky (« L’idéologie du national-bolchevisme »),
cette thèse est aujourd’hui hors de doute. Les mêmes idées
étaient d’ailleurs lancées par l’aile gauche de la Révolution
Conservatrice allemande -- surtout Moeller van den Bruck et Niekisch. Mais
cette considération historique (tout en étant vraie et juste)
explique peu et réduit toute la valeur du terme « bolchevique
» à la réalité du terme « nation »
avec l’atténuation révolutionnaire et l’apparence du radicalisme.
Peut être certaines gens se réclamant du NB s’arrêtent-ils
effectivement là. Mais tout cela n’a rien à voir avec la
véritable nature idéologique et métaphysique de la
synthèse nationale-bolchevique.
On pose souvent la question: « Le fascisme est-il de droite ou
de gauche ? ». Mais personne à notre connaissance n’a posé
cette question: « Le communisme est-il vraiment de gauche ? »
C’est à tort qu’on ne le fait pas, car tout le monde reste sous
l’hypnose de la rhétorique des communistes eux-mêmes. L’idéal
des marxistes de la branche hégélienne ou marxistes-léninistes
authentiques (non-révisionnistes ou bernsteiniens) n’a rien à
voir avec les valeurs humanistes et libérales qui sont comme la
marque caractéristique de la gauche. La philosophie marxiste par
ses origines hégéliennes reste « irrationnelle »,
« totalitaire » et se fonde sur la négation totale (quoique
dialectique) de l’état normal de l’humanité actuelle, dont
la mentalité est jugée (très à la Hegel) «
quotidienne », « fausse » et destinée à
être anéantie dans le processus de la Révolution Totale.
Dans le communisme (soviétique ou non), le facteur non-humain se
manifeste dans une mesure mille fois plus grande que dans les expériences
modestes du fascisme -- dans le domaine de la culture et dans le domaine
social. Si on compare entre elles la société fasciste et
la société communiste en essayant de mesurer où le
degré maximum d’antithèse par rapport à la société
ouverte fut atteint, on arrive à la conclusion que les communistes
ont eu dans ce sens des succès incommensurablement plus grands.
On doit chercher cette particularité du communisme dans les doctrines
mêmes de ses idéologues -- Marx, Engels, Lénine, Trotsky,
Luckacz, etc. Si on ignore le style pseudo-progressiste et pseudo-humaniste
des discours des pères fondateurs du communisme, on aperçoit
clairement que leur Weltanschauung possédait toujours une dimension
mystique très forte, parce qu’ils prévoyaient tous le changement
radical de toutes les proportions anthropologiques, gnoséologiques,
et même ontologiques au cours de la réalisation de ses projets
révolutionnaires. Derrière les calculs économiques
et les slogans pragmatiques se cache une doctrine purement eschatologique
qui a pour centre l’action globale théurgique comme accomplissement
final de l’histoire humaine avec l’avènement de l’Homme Nouveau
(ce terme est essentiellement initiatique). Cette eschatologie communiste
était transparente chez les socialistes-utopistes, mais elle imprègne
aussi fortement le raisonnement de Marx et de Lénine eux-mêmes,
quoique enveloppée dans le discours pseudo-scientifique et social.
Donc on peut parler sans guillemets d’une métaphysique communiste
ou bolchevique.
Cette métaphysique provient de l’application de la doctrine de
Hegel (qui est une doctrine eschatologique liée cette fois à
l’Etat et à la Nation) au domaine de la pratique matérielle
et sociale. Mais l’échange d’un idéalisme absolu et objectif
contre un matérialisme tout aussi absolu et objectif ne touche pas
le sens du système idéologique parce que l’Esprit et la Matière
sont deux concepts qui dans la philosophie moderne sont interchangeables,
surtout après la précision apportée par Hegel au début
de sa « Grande Logique » que « L’Etre et le Néant
ne font qu’une seule et même chose ». On peut considérer
la matière comme l’antithèse de l’Esprit, mais pour la dialectique
la négation est une action positive parce qu’elle complète
la thèse jusqu’à la plénitude parfaite et synthétique.
Dans cette optique, passer de la Matière à l’Esprit est très
facile, ayant en vue non les noms vulgaires utilisés par la «
conscience quotidienne », mais les conceptions métaphysiques
correspondantes. Pour ceux qui auront peut être de la difficulté
à reconnaître ce fait on peut rappeler le cas de la Prakriti
hindoue,
une conception équivalente à l’idée de Première
Matière, mais dans l’école ésotérique, initiatique
et yogique (donc authentiquement traditionnelle) de la Sankhya, cette Prakriti
est considérée comme le niveau le plus haut de la réalisation
spirituelle en étant au delà des trois mondes manifestés,
appartenant au domaine des Principes métaphysiques non-manifestés.
La dialectique de Hegel, pleinement acceptée par Marx et Lénine,
reflète dans un langage profane et très souvent incorrect
la structure de la doctrine initiatique traditionnelle.
Cette doctrine qui se retrouve dans toutes les traditions ésotériques
affirme qu’au commencement du monde se trouve le processus de l’aliénation
de l’Etre Pur ou du Principe qui sort de son Unité. De cette aliénation
naissent les « êtres secondaires » doués de la
« conscience souffrante » et de la nostalgie des origines.
Grâce au processus initiatique, ces êtres secondaires et séparés
du Principe, (aliénés, humiliés et exploités
par le gouffre les séparant entre de l’Etre Pur) restaurent leur
condition primordiale, vainquent l’aliénation, en niant la négation,
et arrivent à l’état de plénitude eschatologique tout
en gardant conscience de l’histoire de leurs épreuves dans le labyrinthe
de l’aliénation. A partir de ce moment ils appartiennent au monde
nouveau et sont eux-mêmes les Hommes Nouveaux chez lesquels l’objectif
et le subjectif coïncident.
Ce scénario était appliqué par Hegel aux réalités
historiques en conformité avec le langage habituel de son époque
et de son milieu. Pour Hegel « L’Idée Absolue » s’aliène
et devient l’histoire, en s’identifiant à « l’Esprit du Monde
» (Weltgeist). C’est la phase qui correspond à la «
chute des énergies divines » dans les doctrines initiatiques.
Par une opération dialectique (dont la phénoménologie
-- décrite par Hegel dans sa « Phénoménologie
de l’Esprit » -- rappelle très vivement celle du changement
de niveau, propre à toute initiation, la sortie de la dualité
de la « conscience quotidienne », donc essentiellement profane),
les hommes arrivés à une certaine période historique
finale changent le cours de l’aliénation originale et transforment
le « Weltgeist » (l’Esprit du Monde) en « Neue Geist
» (l’Esprit Neuf -- ce terme est typique de la désignation
de l’initié), ce qui se reflète par l’apparition du Regnum
eschatologique, l’Empire des initiés dont les conditions de vie
ne seront plus celles du monde séparé de la Source. C’est
l’idée de la communauté angélique. Hegel voyait le
germe de cet Empire de la Fin dans l’Etat Prussien, l’Etat eschatologique
par excellence, une sorte de « Troisième Rome » ou de
« Troisième Reich ».
Les marxistes ont élargi cette doctrine de l’Etat Prussien eschatologique
à l’humanité toute entière, prônant la Révolution
Mondiale et identifiant la forme substantielle de l’aliénation au
système capitaliste. Le processus « initiatique » qui
chez Hegel devait se dérouler au niveau des intellectuels «
scientifiques » prussiens au service de la monarchie, était
dans le cas des marxistes transposé dans la politique activiste
et a choisi pour instrument central la classe prolétarienne identifiée
à l’état-limite de l’aliénation des « êtres
secondaires » (les énergies sorties de l’Absolu au commencement)
qui logiquement devraient dorénavant être à l’avant-garde
de la « restauration initiatique » des « derniers qui
deviennent les premiers ». L’élimination des bourgeois et
des autres classes exploiteuses avait ici une fonction de destruction des
forces mystiques-sataniques qui servent souvent d’obstacles à l’initiation
par le fait même qu’elles nient l’aliénation, veulent tromper
la « conscience malheureuse » par l’occultation de la vérité
de la Chute Originelle. Les idéalistes subjectifs étaient
considérés par les marxistes-léninistes comme des
ennemis gnoséologiques encore pires que les capitalistes ou les
gendarmes. L’acharnement même des communistes contre certains types
de la philosophie -- surtout contre les néo-kantiens -- montre parfaitement
à quel point ils étaient conscients des fondements métaphysiques
de leur Weltanschauung.
On peut citer ici aussi la vénération des communistes
pour les cathares, Giordano Bruno, Campanella et les autres courants initiatiques
et eschatologiques, une vénération qui ne contredisait en
rien leur matérialisme et leur athéisme proclamés.
(Sur tout cela voire Norman Cohn, « Les fanatiques de l’Apocalypse
» et I. Schavarevitch, « Le socialisme comme phénomène
de l’histoire mondiale » -- deux auteurs se situant sur une position
opposée à celle du NB, mais donnant une analyse correcte
du sujet en question.)
Les NB revendiquent donc cet aspect du communisme, cette nécessité
de l’initiation radicale, en reconnaissant surtout chez les marxistes la
volonté de donner à ce processus une dimension pratique totale
et absolue dont les résultats seront réels seulement dans
la transfiguration de la matière elle-même et des conditions
cosmiques.
Les hégéliens de droite tombent souvent dans le piège
de l’abstraction, du verbalisme, de l’impuissance pratique. Plus que cela,
chez Hegel lui-même il y a des aspects sinistres où il prétend
résoudre certains problèmes de nature initiatique dans des
termes éthiques, esthétiques ou culturels. Tout cela est
le coté parodique de la doctrine hégélienne, le coté
qui a poussé Guénon à appeler cette philosophie du
« satanisme inconscient ». Les marxistes évitent cette
forme de parodie, en sentant très vivement la fausseté de
cette solution « culturelle » ou académique d’un problème
si primordial. Ils insistent sur la transfiguration concrète et
palpable de la réalité par l’intermédiaire des changements
sociaux et le choix du facteur social dans leurs doctrines montre leur
intuition profonde de la nature « magique » et « sacrée
» du pouvoir politique qui est intimement liée à la
qualité de l’ambiance cosmique elle-même.
Plus, les communistes ont identifié au système capitaliste
les « agents du Démiurge », les forces résistant
à l’accomplissement de l’utopie téléologique, et c’est
l’idéologie capitaliste fondée sur le principe de l’individualisme
qui est pour les auteurs traditionalistes eux aussi (pour Guénon
notamment dans sa « Crise du monde moderne ») la forme extrême
de la régression cyclique de l’humanité.
Evidemment les marxistes-léninistes ont eux aussi des aspects
parodiques dans leur discours qui s’ajoutent aux slogans purement pragmatiques
de leur lutte pour le pouvoir. Cela se manifeste surtout dans les phases
qui suivent la prise du pouvoir où la ferveur révolutionnaire
cède la place à la bureaucratisation et à l’aliénation
de l’idéologie. Quand les communistes opèrent dans les cadres
légitimes des sociétés bourgeoises ils courent le
danger d’être imprégnés par les éléments
de la Gauche progressiste et « kantienne ». Plus, les textes
de Marx lui-même présentent des traces lamentables de son
contexte historique, bourrés de clichés humanistes et d’exclamations
pathétiques abusives.
La métaphysique du bolchevisme n’est pas le communisme ou le
marxisme dans leur forme historique. C’est l’horizon transcendant de cette
doctrine, la dimension cachée et non évidente pour la majorité.
Plus que cela, c’est dans le cadre des idéologies extra-communistes
que la prise de conscience de cette dimension est la plus facile et la
plus probable. L’idéologie du NB est dans ce cas la seule qui non
seulement cerne cet aspect, mais l’assimile, le développe et s’identifie
avec lui dans toute sa plénitude métaphysique, tandis que
la compréhension de la nature profonde du communisme jusque l’apparition
du NB etait presque exclusivement l’affaire des anticommunistes et seulement
rarement de quelques communistes marginaux.
5. La trinité dialectique
L’idéologie NB a pour enjeu de purifier les doctrines historiques
des nationalistes et des communistes des restes des préjugés
hétérogènes provenant des confusions avec les éléments
« subjectifs » dus aux alliances contre-nature sous le signe
de la Droite ou de la Gauche. Le communisme des NB est absolument libre
de connotations « antifascistes » et leur nationalisme est
libre de connotations « anticommunistes ».
L’idée de la Révolution prolétaire se place dans
l’ensemble concret de la Nation et l’avènement de la formation communiste
se concrétise par le retour des paradigmes du Sacré, avec
le réveil de l’Ange national qui se cristallise dans la figure du
Roi-Guide, Führer / Vojd / Duce, l’Homme Nouveau par excellence. La
transfiguration de la réalité sociale puis cosmique sera
faite sans l’abolition des entités nationales sacrées, mais
en harmonie parfaite avec ses traits métaphysiques particuliers.
L’eschatologie sociale et économique des marxistes sera unie aux
autres sortes d’eschatologie -- religieuse, raciale, gnoséologique,
étatique, nationale, etc., et le tout deviendra la synthèse
idéologique universelle.
Les seuls qui vont inévitablement souffrir au cours de la réalisation
du projet NB sont les « amis de la société ouverte
», les héritiers de Descartes et de Kant, les « poppériens
» de droite et de gauche, les libéraux, les rationalistes,
« les hommes vieux » tout court qui ne sont que les exploiteurs
ontologiques et les valets du Démiurge. En tant qu’héritiers
véritables d’Héraclite, les NB apporteront le FEU sur la
terre, et leur Cause irrationnelle humiliera la sagesse de ce monde, de
la société ouverte de ces êtres qui ne ressentent aucune
nostalgie des Origines, aucune douleur existentielle d’être séparé
de l’Etre Pur, aucune soif d’initiation et de réalisation spirituelle.
Au delà de la gauche et de la droite, la Révolution une
et indivisible dans la trinité impossible qui unit dialectiquement
Troisième Rome, Troisième Reich et Troisième Internationale.
Le Regnum des NB, leur Empire de la Fin, c’est la réalisation
parfaite de la plus grande Révolution, continentale et universelle.
C’est le retour des Anges, la résurrection des Héros, la
révolte du Cњur contre la dictature de la Raison.
Cette DERNIERE REVOLUTION est affaire de l’Acéphale, de l’Acéphale
porteur de la Croix, de la Faucille et du Marteau, couronné par
le Svastika Eternel.
1996
Version corrigée par Franz Destrebecq
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